Under the leaves, 2016, poudre de graphite et ombre à paupières sur papier, 200 x 210 cm
Son âme est restée collée sous ma langue, 2016 Poudre de graphite et ombre à paupières sur papier, 200 x 210 cm
Sticky soul under the woods, 2017, poudre de graphite et ombre à paupières sur papier, 22,5 x 31,5 cm
Under the leaves, 2016, poudre de graphite et ombre à paupières sur papier, 200 x 210 cm
Summer project room
PAYSAGES - HORIZONS
Hélène Muheim
Du 1er août au 9 septembre 2017
Un paysage est avant tout une construction, une position, face à un assemblage d’éléments naturels ; de même que le portrait, avant d’être portrait, est un visage.
C’est de cette manière qu’il nous revient de découvrir les paysages raffinés d’Hélène Muheim, ses Lignes d’horizon dans lesquelles elle n’investit la page que pour mieux souligner la cohabitation du paysage et de son absence : quelques lignes de crêtes et des sommets enneigés sont coupés horizontalement par une ligne floue et volontaire à la fois, laissant deviner, dans la surface immaculée de la page blanche, d’autres beautés naturelles.
Un paysage est donc construction, mais, ici, il est aussi fondamentalement émotion, comme peuvent l’être une mer de nuages ou une épaisse forêt pour les romantiques allemands.
« Le cœur de la montagne s’est arrêté de battre » dit un titre évocateur qui suggère un effacement, une disparition, une fin universelle. Pour autant, avec une douce résignation, le monde continue à vivre lentement, à un rythme amoindri, comme dans un coma : Hélène Muheim représente ainsi, « inlassablement, ce qui n’est plus », et c’est avec patience qu’elle préserve ce qui reste néanmoins, sous les strates de la conscience, dans le souvenir d’un bruissement du vent dans des feuilles d’arbre ou dans celui d’un drame lointain.
Pour cela, elle « maquille » ses paysages comme on maquille des paupières, délicatement, en estompant tellement que les pigments ne font plus qu’un avec la finesse de la peau ou celle du papier : « je maquille les reliquats du monde », dit-elle. Ces reliquats, reliques et traces, l’artiste les trouve aussi dans l’histoire de l’art, dans les sources qu’elle utilise pour réaliser ses dessins, que ce soit l’œuvre d’un sombre graveur suisse du 19ème siècle représentant la Vallée de Chamonix, celle du renaissant Joachim Patinir ou encore les paysages à l’arrière plan des tableaux de Léonard de Vinci.
Que l’on pense justement aux arêtes des montagnes bleues de sa Sainte Anne pour saisir la complexité d’un paysage à la fois acéré et léger, violent et mystérieux, en surface et en méandre.
Hélène Muheim dessine aussi des Chimères, les miroirs déformants d’un monde mental dans lequel les formes — pas vraiment organiques mais plutôt minérales — s’assouplissent se contorsionnent, faisant étrangement penser aux circonvolutions tentaculaires et végétales de l’Art Nouveau.
Dans les plis et les strates se cachent des formes : une femme au bonnet d’âne rappelle d’ailleurs qu’il y a de l’humour aussi dans ce travail, du moins une distance sereine face à certaines terreurs.
L’une de ces chimères, one more breath, est un souffle : est-ce là un dernier souffle vital ; ou plutôt un souffle créateur, de communication avec les forces cosmiques de l’univers, à l’instar des Bubbles de Roland Flexner ?
Léa Bismuth
Critique d'art
Commissaire d'exposition
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