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HORS-CHAMP
Mohamed Lekleti

Exposition du 19 octobre au 26 novembre 2022 
Vernissage le mercredi  19 octobre 2022

Le monde est une fête macabre

Mohamed Lekleti vit avec son talent, une faculté singulière à composer des scènes complexes installées dans la toile d’araigné d’un dessin virtuose. Un fatum en quelque sorte qui lui permet de toucher aux sujets les plus délicats.

Ses dessins portent des représentations que notre œil reconnaît tout en les distinguant des représentations communes. Mais notre capacité à reconnaître les signes se heurtent immédiatement à l’implosion de notre pensée.

Que voyons-nous ?

Des images immédiatement politiques sont offertes tour à tour comme les séquences d’un même discours. Les femmes apparaissent sans subjectivité, voilées parfois et voyagent dans l’espace du dessin avec des hommes indéfinissables dont l’identité, l’activité, le désir se logent dans des corps aux organes twistés. Leurs membres tendent vers on ne sait quel pôle d’attraction, absent peut-être, invisible sans doute. Des tropismes secrets connectent les êtres et les ressorts de la sexualité semblent être la plus pauvre explication de ce chambardement.

La tension est ailleurs d’abord dans la facture de dessin. Dans le dessin de Mohamed Lekleti tout excède. Les scènes semblent prises dans un déséquilibre dont la meilleure comparaison pourrait aller vers le fonctionnement singulier des textes de Georges Bataille. Le peintre touche comme lui au mille-feuilles composé par les strates politiques, morales, religieuses, toutes résiduelles dans l’échafaudage de notre culture.

Cette addition donne au regardeur l’ambition de tenter une recomposition des scènes éclatées.

Œuvre après œuvre, c’est l’ambition des sujets qui nous étonne. Pour avoir adopté le dessin l’artiste a trouvé un instrument particulièrement incisif. Ce dessin fonctionne sur le mode de la morsure. Et quand nous avons consommé ravissement et douleur, nous savons que l’artiste nous à la fois offert la complexité du monde et de l’actualité, et dans le même temps le savoir virtuose que son dessin impose comme un soin.

Devant cette œuvre nous pouvons demeurer dans nos rêves, penser aux foules galopantes de Jérôme Bosch, aux traits magistraux des illustrateurs de l’Encyclopédie, aux quelques œuvres dessinées militantes et oniriques qui interpellent l’actualité. La couleur, la présence de la taxidermie du corps animal complexifient la proposition de l’artiste. C’est aussi la porte du cabinet de curiosité qui s’entrouvre et s’entend ici, le chant baroque de tous ceux qui y sont captifs.

Michel Enrici
Historien et critique d'art

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